Déclaration de Dakar GSEF2023
Déclaration de Dakar GSEF2023
Nous, les plus de 5000 personnes présentes au Forum GSEF2023 à Dakar, provenant de plus de 250 villes et de 70 pays, affirmons que l’ensemble de la population mondiale a droit à des conditions de travail décentes, un revenu suffisant pour vivre dignement et doit pouvoir s’autonomiser et s’émanciper dans un monde vivable alors que le modèle économique dominant produit précarisation et destruction de notre planète.
Nous affirmons aussi que l’économie sociale et solidaire (ESS) est aujourd’hui le modèle socio-économique le plus adapté à l’atteinte des objectifs de développement durable de l’ONU d’ici 2030. L’accueil du Forum GSEF 2023 à Dakar au Sénégal, première fois en Afrique, est un événement exceptionnel d’internationalisation de l’ESS sur ce continent. L’économie sociale et solidaire est en effet présente partout dans le monde, et partout elle démontre sa capacité de transformation positive de l’ensemble de nos sociétés et de nos territoires.
Chaque nouveau Forum GSEF nous rappelle que la puissance de l’ESS réside à la fois dans sa grande unité et sa grande diversité. Sa diversité la rend riche d’innovations et d’expérimentations dans le respect des cultures et des identités locales, toujours dans l’objectif d’aboutir à la démocratie et à la justice sociale et environnementale.
Le Forum GSEF 2023 de Dakar intervient à un moment particulier, et ce à plusieurs titres.
D’abord, car nous sortons progressivement de l’épisode pandémique qui a eu des conséquences humanitaires, sanitaires, économiques et sociales dramatiques. Les organisations de l’ESS avaient alors su démontrer leur capacité de résilience, comme nous le rappelle la Déclaration du GSEF Mexico 2021.
Ensuite, car nous ne sommes pas toutes égales et tous égaux face au modèle économique dominant. Il y a des gagnantes et des gagnants, mais il y a surtout des perdantes et des perdants. Les jeunes, les femmes, les personnes des économies informelles, populaires et de l’économie des plateformes en sont particulièrement victimes. L’économie sociale et solidaire, proposant un modèle économique fondé sur la coopération et non la concurrence, sur la primauté des personnes et de la nature avant les profits, est un moyen fort d’inverser cette tendance.
Notre monde est rythmé aujourd’hui par l’augmentation des inégalités et de la pauvreté, les guerres, les discriminations, et la succession des rapports alarmants du GIEC. Il nous faut, comme l’affirmait déjà le GSEF en 2021, « un changement de paradigme donnant la priorité aux personnes et à la planète».
Enfin, la Déclaration de Montréal 2016, dans une de ses résolutions, invitait les pouvoirs publics, et notamment les organisations internationales, à reconnaître la place centrale de l’ESS. La série de recommandations d’organisations internationales, l’OIT et l’OCDE d’abord, l’ONU enfin le 18 avril dernier, ont su faire avancer la reconnaissance institutionnelle de l’économie sociale et solidaire. Des organisations continentales et des États ont aussi su se doter de législations favorables, de stratégies de soutien et de développement de l’ESS. L’économie sociale et solidaire se fait une place, chaque jour un peu plus grande, dans le paysage politique et économique dans tous les pays du monde.
Ces résolutions ne doivent cependant pas être de simples textes, elles doivent engager des actes concrets. Ainsi, étant donné que Dakar 2023 a été la première grande échéance internationale post-résolution de l’ONU, ce Forum a permis d’incarner la résolution et de bâtir ensemble une feuille de route. Il nous permettra aussi d’impulser le développement de politiques structurantes sur les territoires au service de l’atteinte des Objectifs de Développement Durable fixés par l’ONU.
En mettant la priorité sur les conditions spécifiques des jeunes et des femmes qui subissent une précarité encore plus importante que le reste de la population, et dont l’autonomisation est un enjeu prioritaire, ainsi que sur l’amélioration des conditions de travail et de vie des travailleuses et travailleurs de l’économie informelle, ce Forum est aussi l’occasion de rappeler les gouvernements locaux et nationaux à leurs responsabilités. Ces focus ont démontré la nécessité de promouvoir la transition des économies informelles vers des économies collectives et durables pour rendre possible l’accès à la protection sociale des travailleurs(euses) qui vivent dans l’insécurité économique. Cela passe aussi par une facilitation de l’accès aux marchés, par le partage de services, d’expertises, de savoir, et de ressources.
Finalement, nous affirmons qu’il est urgent de reposer la façon dont sont produites les richesses et d’engager une réelle redistribution.
Ainsi, le Forum Dakar GSEF 2023 a été l’occasion de nombreux échanges, réflexions et propositions traçant un chemin allant dans le sens d’une bifurcation écologique, sociale et économique.
NOUS APPELONS A :
- Faire confiance aux nouvelles générations en leur permettant d’exercer leur pouvoir d’agir ;
- Lutter contre toute forme de discrimination qui viendrait remettre en cause l’autonomie des individus et leur capacité à porter des initiatives socio-économiques ;
- Valoriser une économie sociale et solidaire en poursuivant sa co-construction dans les territoires par les populations locales ;
- Renforcer l’économie collective, comme moyen privilégié d’améliorer la condition des personnes dans des situations précaires et informelles ;
- Préserver les ressources naturelles et la biodiversité en promouvant les communs, lutter contre les changements climatiques et promouvoir l’économie circulaire ;
- Institutionnaliser des espaces de co-construction des politiques publiques intersectorielles à chaque niveau gouvernemental ;
- Permettre la bonne articulation entre échelon local et échelon national afin d’assurer un développement soutenable de l’économie sociale et solidaire ;
- Créer, au sein du GSEF, une représentation de la jeunesse afin de s’assurer du suivi des propositions issues du forum Jeun’ESS, dans l’objectif notamment d’aboutir à la création d’outils de financement à destination de projets portés par les jeunes ;
- Faire des thématiques de la jeunesse et des femmes des espaces centraux et transversaux des prochains Forums GSEF ;
- Initier des campagnes de sensibilisation et promotion à l’égard des pouvoirs publics, des populations, et des actrices et acteurs de l’économie et de la société civile afin de mieux faire connaître l’ESS et ses principes ;
- Mettre en œuvre des outils d’ accompagnement des gouvernements locaux et nationaux qui souhaiteraient s’engager dans un processus de soutien au développement de l’ESS sur leur territoire ;
- Travailler à la systématisation d’indicateurs ESS et à son intégration dans les systèmes nationaux de statistiques et de comptabilité ;
- Inciter à la création et au développement de programmes d’enseignement de l’ESS à chaque niveau d’enseignement et de formation ;
- Renforcer la recherche-action autour de l’ESS et le partenariat entre le milieu de la recherche et l’ESS ;
- Mettre en place un écosystème intégré d’accompagnement technique et financier de proximité adaptés aux besoins des entreprises collectives, notamment pour des projets portés par des jeunes et/ou des femmes ;
- Créer des plateformes de capitalisation, de diffusion et de valorisation des initiatives, des expériences et des connaissances afin de renforcer la capacité de celles et ceux qui agissent et de celles et ceux qui décident ;
- Tenir de façon régulière un sommet ESS-ONU pour faire le point sur les effets de la Résolution ESS adoptée à l’ONU et les actions à conduire.